“ Tous les pays qui n’ont plus de légende
Seront condamnés à mourir de froid...”
Patrice de La Tour Du Pin, “La Quête de joie”
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André Gide
Ayant acheté à une vente de livres d’Amnesty International, à Gien, “Isabelle”, que je n’avais jamais lu, me voici replongée dans Gide : j’enchaîne sur “la Symphonie pastorale” puis la sévère “Porte étroite” (Folio). Gide est-il entré, comme je l’ai entendu dire, dans une sorte de Purgatoire ? Il semble que non. Je vais jeter un coup d’œil sur Amazon.com et j’y découvre les commentaires de lecteurs de “la Symphonie pastorale”. Ces lecteurs ont lu ce livre comme s’il venait de paraître, c’est assez curieux et amusant. “La Symphonie...”, 1925, et “Isabelle” (l’histoire d’un jeune homme qui fantasme sur une jeune femme qu’il n’a jamais vue, espèce d’Arlésienne du récit), 1921, ça ne date pas d’hier ! Mais les gens lisent “la Symphonie...” avec une grande fraîcheur d’esprit. Du coup, je me commande les Entretiens avec Catherine Gide (2002-2003, Gallimard) et lis avec un intérêt très “People” le récit de l’enfance de Catherine, enfance très solitaire et pas très marrante où l’on croise Roger Martin du Gard, Malraux, Marc Allégret... Catherine n’a su qu’elle était la fille de Gide que très tard ; Gide a mené une vie incroyable, très moderne dans les moeurs, tout en interdisant à sa fille de lire “Madame Bovary” dans le train, au vu et au su de tout le monde ! Ahurissant.
Julien Green
Je ne sais pas si c’est la fréquentation de Gide, mais me voilà qui ressors les “Pléiade” Julien Green (le Protestant Gide comme était Protestante la famille américaine de Green converti -très “bruyamment” je trouve au niveau littéraire- au catholicisme). J’ai adoré (à 20 ans) Green et je ne vais pas brûler ce que j’ai adoré, mais je le trouve bien hypocrite dans beaucoup de domaines. Quand il parle d’”amitié platonique” avec Robert de Saint Jean par exemple, ou quand il parle de la “pauvreté” de sa famille qui avait des domestiques et envoyait ses enfants faire des séjours à l’étranger, comme toute bonne et chic famille américaine le fait (ou le faisait en ces temps anciens, comme les personnages d’Henry James). J’adore “Minuit” (roman) et j’adore son Journal (celui en particulier des années entre les deux guerres) et, en lisant ses interviews par Franz-Olivier Giesbert je suis infiniment triste qu’on ne le lise plus (il paraît) et que Giesbert ou moi soyons peut-être ses derniers lecteurs (des gens ayant largement dépassé la cinquantaine). J’ai vu que ses récits sur sa jeunesse viennent d’être réédités, mais qui va être intéressé par ses interminables explications concernant ses états d’âme religieux ? Existe-t-il encore des romanciers catholiques ? (mais Julien Green n’aimait pas qu’on le classe dans les “écrivains catholiques”...) Je viens de lire avec un immense intérêt le récit qu’il a fait de l’histoire de sa sœur Anne (avec qui il a vécu longtemps -et pourtant ils étaient d’une telle “politesse” qu’ils ne savaient apparemment rien l’un de l’autre) et je vois avec ma curiosité très People qu’il a adopté un monsieur, Eric Jourdan, qui est une espèce de phénomène littéraire, mystérieux et marginal, qui veille à la mémoire de son “père”.
Patrice de La Tour du Pin (on fête le Centenaire de sa naissance cette année)
Il faut (et je trouve cela bien triste) que les écrivains aient justement des enfants ou des héritiers pour prolonger leur mémoire (Jean-Louis Curtis qui n’avait pas de famille est en train de sombrer dans l’oubli) (rectificatif du 23/7/11 : Je n'ai pas lu le Prix Goncourt 2010, mais je viens de lire que dans "la carte et le territoire, Houellebecq fait un hommage vibrant à JL Curtis, pages 168-169). C’est le cas de Patrice de La Tour du Pin dont sa famille s’occupe pieusement. Je suis allée hier au Château du Bignon (19 juin - petit village du Bignon Mirabeau au nord de Montargis) où l’on avait organisé une journée Hommage (je fais partie des “Amis de Patrice de La Tour du Pin” suite à une visite en 99 au château où j’avais été reçue délicieusement par Anne, sa veuve). J’ai d’abord eu du mal à trouver l’endroit, c’est complètement perdu dans la campagne et je ne fonctionne qu’avec les cartes. Puis, sur place, je me suis demandée ce que je faisais là. Famille parisienne, des aristocrates, des soeurs (!!!). A 16 heures, dans le séchoir, apparaît une espèce de vieux prof de la Sorbonne : il a au moins cent ans ! (sans rire), et prononce un discours pour moi incompréhensible. On se croirait dans une autre époque, une époque bien, bien lointaine. Puis, après cet épisode bizarre, apparaissent deux jeunes gens (un garçon et une fille) qui se mettent à réciter et lire des poèmes de La Tour du Pin, et là, la magie opère. La parole du Poète est limpide et magnifique. Je regarde ma voisine et nous nous sourions. “Que c’est beau !” Oui, le “Prélude”, “Enfants de septembre”, etc. c’est la Beauté à l’état pur. Les jeunes gens s’appelaient François-Xavier Durye et Valérie Taÿ. Dieu merci (c’est le cas de le dire, Patrice de La Tour du Pin était TRES catholique et semble avoir plus travaillé pour le salut de son âme que pour la Poésie), je ne me suis pas déplacée pour rien. Pendant la récitation des poèmes, je crois reconnaître assis devant moi Jean-Pierre Sueur (homme politique socialiste) et je me dis que c’est trop incroyable, que j’ai dû rêver... Mais après tout les poètes catholiques sont à tout le monde. J’ai bien lu sans sourciller, pendant des années, les états d’âme religieux de Julien Green, moi qui étais incroyante, et j’ai aimé Mauriac et Bernanos. J’avais vingt ans. Il faut croire que j’avais l’âme sombre (oui, tout était bien noir à cette époque-là, je pleurais beaucoup...) Mais tout de même, la notion de “péché” ou la croyance au Diable me paraissent complètement moyenâgeuses. Mes croyances au Bien et au Mal sont en fait, me semble-t-il, très laïques. Mais il doit y avoir en moi une Catholique enfouie pour que j’aime tant tous ces écrivains.
Après toutes ces lectures, comment fait-on pour redescendre sur terre ? Je lis des écrivains d’aujourd’hui, mais que sont-ils à côté de Gide, Green ou La Tour du Pin ?
Dans vingt ou trente ans, qui se souviendra de M., W., D. ou R. (je ne veux pas être une peste et je préfère ne pas les citer) si déjà on ne lit plus Green aujourd’hui ? Moi qui dis déjà qu’il n’y a plus personne après les grands romanciers du XIXè siècle ! Mais bon, si, redescendons sur terre : après tout, je lis Sagan et même Katie Fforde (une romancière anglaise de la “chick” literature -je crois que c’est comme ça qu’on dit...-). Je suis loin d’être tout le temps en train de planer au-dessus du commun des lecteurs ! (Déjà être un “lecteur” aujourd’hui tient du miracle, mais je connais quand même des jeunes lecteurs -10 ans- qui liront peut-être Green un jour ? (c’est un grand “peut-être”.)
CINE JUIN 2011
La conquête, Xavier Durringer
Montargis, 2/6
Denis Podalydès, Samuel Labarthe, Bernard Le Coq...
La conquête du pouvoir par Nicolas Sarkozy au moment où sa femme Cécilia le quitte. Au bout de 5 minutes, on oublie que ce sont des personnages réels et on se laisse emporter par cette histoire d’ambition politique. J’ai trouvé ça plutôt réussi et je ne me suis pas ennuyée une seconde. Un très bon acteur joue Henri Guaino, mais je n’ai pas retenu son nom.
Le chat du rabbin, Joann Sfar
Montargis, 5/6
Le chat qui parle d’un rabbin d’Alger dans les années 20. Le rabbin part faire un grand voyage (un voyage initiatique pour vieux messieurs) à travers l’Afrique avec des compagnons très divers (diversité des personnalités et des religions), le chat et un âne. La fille du rabbin est une charmante jeune fille (voix d‘Hafzia Herzi). Le chat est intelligent, cool, marrant. Joli dessin animé. J’ai aimé bien que je reste un tout petit peu frustrée...
London Boulevard, William Monahan
Colin Farrell, Keira Kneightley
Montargis, 12/6
Polar en grande partie incompréhensible. On ne comprend pas vraiment pourquoi tous ces gangsters se tapent dessus et s’entr’assassinent. Colin Farrell est pas mal (“impeccablement mélancolique” dit Télérama) et Keira Kneightley inconsistante. L’histoire d’amour entre ces deux-là est tout sauf convaincante. J’avais aimé Colin Farrell dans “bons baisers de Bruges”, film d’humour noir où il promenait sa mauvaise humeur de manière très cocasse. Trois personnes dans la salle (y compris moi), dont deux hyper bizarres ! ça fout presque les jetons... (dimanche à 14 H, je me demande parfois comment vivent les cinémas.)
Pourquoi tu pleures ? Katia Lewscovitz
Benjamin Bioley, Nicole Garcia, Emmanuelle Devos
Les Carmes, 17 juin
Film qui n’a pas très bonne presse, mais j’ai apprécié le charme de Benjamin Bioley et le côté un peu paresseux du récit. Emmanuelle Devos est extra.
Une séparation, Asghar Farhadi (film iranien)
Les Carmes, même jour 17/6
Dans l’Iran d’aujourd’hui, une séparation entraîne tout un tas de complications dans une famille, en particulier un procès qui oppose une famille de la classe moyenne à une famille pauvre et très religieuse. Les enfants (des filles) innocentes sont témoins et souffrent. Remarquable étude de la société iranienne d’aujourd’hui (tout du moins ce film nous donne une idée de ce qui peut se passer en Iran). Film applaudi par la critique, à juste titre vraiment.
20/6 : C'est déjà pas mal pour le mois de juin, non ?
PREVISIONS JUIN-JUILLET 2011 : Journée à Sens (23 juin), Chambord, château de la Verrerie (sur la route de Bourges), la piscine de Gien, le film "Pater" d'Alain Cavalier avec Mathieu Lindon, "le gamin au vélo" des frères Dardenne, Benoît Duteurtre, et des rêves d'écriture...